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Michel Fustier

CONTES DE LA CREATION DU MONDE.
(http://contescreation.free.fr )


5 – ISLAM : LA SPLENDEUR DU TRÔNE D'ALLAH.


Au commencement il y eut l’eau. Et l’eau était agitée de mille petits mouvements. Et il lui fut ordonné de cesser de remuer. Ce fut alors une eau claire et sans écume.
Sur l’eau fut installé le trône du Créateur, fait d’une substance verte dont la beauté, l’immensité et l’éclat sont indescriptibles. Soixante-dix mille langues sont attachées au trône et y louent le Créateur en une multitude de langages.
Le trône repose sur de gigantesques piliers… A moins qu’il ne soit porté par quatre anges, dont les visages évoquent respectivement un aigle, un lion, un taureau et un homme… Pour que ce trône, dans sa splendeur, ne soit pas tenté de se révolter contre Allah, il est entouré d’un serpent qui l’étreint en son milieu et le paralyse.

Le Créateur s’assit sur son trône flottant sur l’eau et il créa toutes choses, même l’eau et le trône, et à plus forte raison toutes les choses qui sont dans le ciel et sur la terre. Et il les créa comme en se jouant, sans en éprouver aucune fatigue. Pour créer quelque chose, il n’avait qu’à ouvrir la bouche et dire : « Que cela soit ! » et la chose, vent, lumière, montagne ou animal… se mettait à exister.
Allah se fit apporter un livre et une plume. Et il y inscrivit ce qui était et ce qui sera jusqu’au jour de la résurrection. Le livre était immense et s’étendait de l’Orient jusqu’à l’Occident. Il était attaché par une chaîne au trône d’Allah et seul Allah savait ce qu’il contenait. Quant à la plume, elle était faite d’une matière infiniment précieuse et, en guise d’encre, ce qui en coulait, c’était de la lumière.
Il y a près du trône d’Allah un ange qui sert de secrétaire. Et lorsque Allah a envie de créer quelque chose, il dit à l’ange secrétaire : « Regarde dans le livre ce que j’y ai écrit, afin que je l’exécute. » Et Allah se fait lire le livre trois cent soixante fois par jour. Chaque fois qu’il le regarde, il fait vivre ou mourir, il élève ou abaisse, il honore ou humilie. Il crée ce qu’il veut et décide ce qui lui semble bon.

Allah fit souffler le vent et le munit d’ailes innombrables. Et lorsque Allah voulut produire les créatures il donna au vent le pouvoir sur l’eau. L’eau se gonfla en vagues, rejaillit en écume, envoya au dessus d’elle des vapeurs qui restèrent à planer au dessus de l’eau. Allah les nomma « Ciel ». En deux jours il fit sept ciels. Le paradis se situe dans le septième ciel. C’est dans le septième ciel que vivent les bienheureux.
Le septième ciel est attaché au trône d’Allah par de gros câbles. Les autres, comme autant de tentes superposées sont attachées les uns aux autres par d’encore plus gros câbles et descendent par degrés jusqu’à la terre…
Les bienheureux sont des hommes de trente-trois ans, aux cheveux courts, sans barbe, les yeux enduits de khôl. Ils ont l’âge de Jésus, le beau visage de Joseph, le cœur généreux d’Abraham, la longue taille d’Adam, la belle voix de David (qui chantait devant l’Arche) et l’éloquence de Mahomet. Au paradis il n’y a que des hommes, mais – sans qu’on puisse savoir comment - ils ont de très belles femmes à leur disposition et on leur sert indéfiniment des mets délicieux. Ils ne dorment jamais, car le sommeil est le frère de la mort. Ils jouissent sans fin.

Le vent souffla encore une fois sur les eaux et Allah créa la terre en solidifiant l’écume que le vent avait produite en agitant la mer…
La terre se balançait comme une barque sur les flots. Allah fit alors descendre un ange d’une force colossale pour stabiliser la barque de la terre. L’ange s’introduisit sous la terre et la saisit à deux mains, l’une à l’orient, l’autre à l’occident. Mais il n’avait pas de point d’appui pour poser ses pieds.
Allah fit alors surgir des profondeurs une énorme rocher de rubis qu’il glissa sous les pieds de l’ange… Mais le rocher n’avait lui-même pas de point d’appui.
Allah créa alors un gigantesque taureau à quarante mille têtes. Chacun de ses pattes était séparée de l’autre par une distance de cinq ans de marche. Mais comme le taureau n’avait lui-même pas de point d’appui, Allah créa une colossale baleine pour servir de piédestal au taureau.
Sur quoi repose la baleine ? Ici s’arrêtent les connaissances de l’homme. Nous savons seulement que de temps en temps le diable, qui s’appelle Iblis, se glisse sous la baleine et se met à la chatouiller pour qu’elle secoue la terre : mais Allah fait alors pénétrer dans le cerveau de la baleine (c’est par une narine qu’elle s’introduit !) une terrible petite bête qui lui rongerait la tête si elle avait la faiblesse de bouger.

Comme il y a sept cieux, il y a sept terres. Au plus profond de la septième terre, il y a le feu. Le feu, pour qu’il ne s’étouffe pas lui-même, a reçu l’autorisation d’inspirer et d’expirer deux fois par an : une fois en été ou il expire, soufflant sa chaleur sur la terre, une autre fois en hiver ou il inspire, privant ainsi la terre de sa chaleur et la plongeant dans le froid.
Allah donna ensuite des ornements à la terre, qui sont principalement le soleil et la lune, ainsi que les étoiles. Le soleil et la lune voyagent chacun sur leur char. De temps en temps Allah fait tomber de leur char le soleil ou la lune : ces éclipses sont des épreuves qu’il leur infligent, pour contenir leur orgueil, de peur que les hommes ne rendent à la lune et au soleil un culte qui n’est dû qu’à Allah.

Allah dit aux anges : « Je me propose de créer sur la terre des hommes pour qu’il me vénèrent. » Les anges dirent à Allah : « Il ne te vénéreront pas, il y introduiront la corruption et ils y verseront le sang, alors que nous dans le ciel, nous ne cessons de te glorifier. » Allah leur répondit : « Je sais ce que vous ne savez pas. »
Iblis, le démon, qui avait jusqu’ici régné sur la terre, craignait lui aussi d’y voir apparaître les hommes. Et tous les êtres vivants qui vivaient sur la terre tremblèrent aussi en voyant apparaître l’homme, qui était très beau et marchait en se tenant bien droit, comme jamais n’avait jusqu’ici marché aucun animal.
L’aigle dit au poisson : « J’ai vu un être qui a deux mains, et au bout de chaque main cinq doigts : il peut attaquer n’importe qui. » Le poisson répondit à l’aigle : « Tu me décris là un être qui ne nous laissera pas tranquille, toi dans l’air et moi dans l’eau. »
Pour toutes ces raisons, la terre avait répugné à fournir l’argile nécessaire à la création de l’homme. Ni l’ange Gabriel, ni l’ange Michel n’avaient réussi à lui en arracher. Il avait fallu qu’Allah envoie l’ange de la mort pour réaliser ses desseins.

Quand Adam se mit debout, sa taille était immense et son front touchait au ciel. Les anges en eurent peur et se plaignirent à Allah. Celui-ci fit réduire la taille de l’homme pour qu’il ne touche plus le ciel de son front. L’opinion générale, ça compte !
De la côte d’Adam, Allah créa la femme. Cette côte était courbe, comme toutes les côtes. Le Prophète d’Allah dit ensuite : « La femme fut crée d’une côte courbe et il ne faut pas chercher à la redresser. Vouloir la redresser, c’est risquer de la briser et, pour en jouir, il vaut mieux la laisser telle quelle. »
Et l’homme, avançant en âge devint de plus en plus beau (car l’argile dont il est fait durcit avec le temps). Et la femme, avançant en âge, devint de plus en plus laide : car la chair (dont elle est issue) se corrompt progressivement avec le temps. Voilà ce que c’est que d’avoir été façonné avec le concours de l’ange de la mort.


Sources : Essentiellement l’étude de Toufy Fahd publiée dans La naissance du monde (Seuil, collection Sources orientales). Cette étude est un recensement et une synthèse d’une multitude des textes primitifs islamiques, synthèse dans laquelle il n’a cependant pas été possible de tenir compte de la totalité des ramifications d’une littérature issue des diverses traditions de l’islam. La parenté avec la Genèse n’a pas besoin d’être soulignée : ce qui l’en distingue est l’extraordinaire puissance poétique, presque surréaliste, des divers épisodes de la création. Mais Mahomet n’était-il pas lui-même un immense poète ?

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