Michel Fustier
CONTES DE LA CREATION DU MONDE.
(http://contescreation.free.fr )
1 - LES APACHES : LE GENTIL CREATEUR SUR SON PETIT NUAGE.
Au commencement, il n’y avait rien, pas de ciel, pas de soleil, pas de
lune… partout rien que de l’obscurité…
Soudain de l’obscurité émergea un disque très
plat, jaune d’un
côté, blanc de l’autre. Il était comme suspendu
dans l’air. Et sur
le disque se tenait un petit homme barbu, le Créateur, celui qui
vit là-haut.
Comme s’il s’éveillait d’un long sommeil, il se frotta les
yeux avec ses deux mains.
Le Créateur regarda vers le haut, puis vers le bas, et
l’obscurité se
déchira et la lumière apparut et ce fut en haut et en bas
comme une mer de
clarté qui se déploya de toute part. A l’est il surgirent
les rayons
dorés de l’aurore et à l’ouest partout un rutilement de
toutes les
couleurs. Et il fabriqua aussi partout des nuages aux teintes
indéfiniment
subtiles.
Le Créateur essuya son visage couvert de sueur et frotta ses
deux mains
l’une contre l’autre. Puis il les étendit devant lui. Et voici
qu’apparut alors un nuage particulièrement brillant sur lequel
était
assise une petite fille : « Lève-toi et dis moi où
tu vas, dit le Créateur. »
Elle ne répondit pas. Le Créateur tendit la main à
la petite fille, qui était,
vous l’avez reconnue, la Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère.
Elle lui demanda en saisissant sa main : « D’où
venez-vous, vous ? » - «
Du côté de l’est, du côté où il vient
de surgir toutes ces lumières
merveilleuses, répondit le Créateur en s’avançant
sur son nuage. » - « Où
est la terre demanda-t-elle ? » - « Où est le ciel,
demanda-t-il ? » Et il se
mit à chanter : « Je suis en train de
réfléchir, de réfléchir, de
réfléchir… ding, ding, à ce que je vais bien
pouvoir créer maintenant. »
Il chanta quatre fois le même refrain. Quatre, c’est le chiffre
magique.
Le Créateur se frotta encore une fois les mains (ce qui
était manifestement le
geste de la création), puis il les étendit devant lui et
les ouvrit largement
vers le haut: et soudain, devant lui, monta dans le ciel le
Dieu-Soleil. De
nouveau il essuya son front couvert de sueur (ç’avait
été très fatiguant
de créer le Dieu-Soleil !) et il étendit cette fois ses
mains vers le bas : il
en tomba Petit-Garçon.
Tous les quatre, les quatre dieux, le Créateur,
Petite-Fille-Sans-Père-ni-Mère,
Dieu-Soleil, Petit-Garçon, s’assirent sur leur petit nuage et se
mirent à
penser. « Et maintenant qu’allons-nous faire ? dit le
Créateur. De toute
façon ce nuage est beaucoup trop petit pour nous quatre.
». Et ils créèrent la
Tarentule, la Grande Ourse, le Vent, et le Faiseur d’Eclairs… et
à
l’est quelques nuages pour y loger le Grondeur de Tonnerre, auquel ils
venaient juste de mettre la dernière main.
Le Créateur se mit à chanter : « Ding, ding, Je
pense maintenant très
sérieusement à faire la terre, la terre, la terre ;
très sérieusement, ding,
ding, je pense à faire la terre. » Il le chanta quatre
fois, et les quatre
dieux se serrèrent la main, ce qui eut pour conséquence
de mêler leurs sueurs.
Le Créateur frotta l’une contre l’autre les paumes de ses mains,
d’où tomba une petite balle brune et ronde, pas plus grosse
qu’un
haricot.
Le Créateur shoota dans la balle et cela la fit grossir. Ainsi
firent
Petite-Fille-Sans-Père-ni-Mère, Dieu-Soleil et
Petit-Garçon : ils shootèrent de
plus en plus fort et chaque fois la balle grossissait. A la fin le
Créateur dit
au Vent de souffler dans la balle et de la gonfler à bloc.
Mais comme cela ne suffisait pas, la Tarentule cracha un fil noir,
l’attacha à la balle et se déplaça à toute
vitesse vers l’est,
tirant sur le fil de toutes ses forces. Elle fit de même avec un
fil bleu dans
la direction du sud, avec un fil jaune vers l’ouest, un fil blanc vers
le
nord. Elle tira si fort sur tous ces fils que la petite balle brune
devint
réellement colossale et ce fut la terre. Mais il n’y avait pas
encore de
collines, ni de montagnes, ni de rivières : seulement des
plaines brunes et
plates, sans même un arbre.
Le Créateur se gratta la tête, claqua des doigts… et
soudain apparut
l’oiseau-mouche. « Vole vers l’est, le sud, l’ouest et le
nord et dis-nous ce que tu vois, dit le Créateur. » -
« Tout va bien, dit
l’oiseau-mouche à son retour, la terre est belle et il y a de
l’eau
à l’ouest. »
Malheureusement la terre ne pouvait s’empêcher de rouler et de
tanguer
dans l’espace. Aussi le Créateur fit-il pour la maintenir quatre
poteaux
géants, un noir, un bleu, un jaune et un blanc. Le Vent les prit
en charge, les
emporta et les cala aux quatre points cardinaux : la terre était
stabilisée.
Le Créateur chanta : « Le monde est créé et,
ce qui est encore mieux, il est
tranquille, bien à sa place. » Il le chanta quatre fois,
ce qui, rappelons-le
encore une fois, est le chiffre magique.
Ensuite le Créateur chanta pour faire apparaître le ciel…
Il n’y
avait pas encore de ciel, mais le Créateur pensait que ce ne
serait pas mal
qu’il en eût un. Il chanta quatre fois et quand il eut fini de
chanter,
vingt-huit solides gaillards apparurent et donnèrent un coup de
main pour
monter la tente du ciel au dessus de la terre. Et le Créateur
chanta encore
quatre fois pour désigner un chef pour la terre et un chef pour
le ciel.
Le Créateur envoya ensuite le Faiseur d’Eclairs pour faire le
tour de la
terre et le Faiseur d’Eclairs ramena trois bizarres créatures,
deux
filles et un garçon. Il les ramena dans une carapace de tortue.
Ils
n’avaient pas d’yeux, pas d’oreilles, pas de cheveux, pas de
bouche, ni de nez, ni de dents. Ils avaient bien des bras et des
jambes, mais
pas de doigts, ni aux mains, ni aux pieds.
Le Créateur fit venir une mouche et lui fit bâtir un sauna
qu’il couvrit
avec quatre épais nuages. En face de la porte, il plaça
un doux nuage rouge
pour leur servir de couverture une fois qu’ils auraient bien
transpiré.
On fit chauffer quatre pierres (chiffre magique !) sur le feu et on y
fit
entrer les trois bizarres créatures. Et pendant qu’ils
transpiraient tout
le temps nécessaire, les autres, à l’extérieur,
leur chantèrent des
chants de bienvenue et de bonne santé. Et quand ils sortirent et
se furent
enveloppés dans leur douce couverture rouge, à tous les
trois, le Créateur,
étendant les mains, leur donna des doigts, des bouches, des
yeux, des oreilles,
des nez, des cheveux… tout ce qu’il leur fallait.
Le Créateur nomma le garçon « Garçon du Ciel
» et il fut le chef des gens du
ciel. Il appela une des filles « Fille de la Terre » : elle
devait
s’occuper de la terre et des moissons. La troisième fut
appelée « la
Fille au Pollen » et reçut pour mission de s’occuper de la
santé de tous
ceux qui vivent sur la terre.
Comme la terre était nue et stérile, le Créateur
pensa que ce serait drôle de
créer des animaux, des oiseaux, des arbres… et une colline. Puis
il
envoya le Pigeon regarder comment se portait la terre. Quatre jours
plus tard
le pigeon revint : « Tout est très beau partout sur la
terre. Mais dans quatre
jours l’eau qui est de l’autre côté se soulèvera et
provoquera une
grave inondation. »
Le Créateur fit pousser un très grand pin. Ils en firent
une sorte de bateau
très grand, très étanche que
Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère couvrit de
résine… Quatre jours plus tard, le déluge se produisit.
Le Créateur,
avec ses vingt-huit costauds se réfugia sur son nuage et
Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère enferma les autres dans le
bateau, en prenant
bien soin de boucher toutes les ouvertures…
Douze jours après, le déluge était terminé
et le bateau se retrouva sur le
sommet d’une montagne. Cependant l’eau, en se retirant, avait comme
sculpté la terre et il y avait maintenant des plaines, des
rivières, des
collines, des vallées, des montagnes…
Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère fit sortir les hommes du
bateau et elle les
emmena sur son petit nuage, toujours plus haut, toujours plus haut,
jusqu’à ce qu’ils rencontrent le Créateur et ses acolytes
sur leur
nuage à eux. Ils avaient profité de ce qu’on ne pouvait
plus rien faire
sur terre pendant le déluge pour mettre la dernière main
au ciel.
Puis les deux nuages descendirent ensemble jusqu’à atterrir dans
une
vallée où Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère
réunit tout le monde pour écouter ce
qu’avait à dire le Créateur.
« Je vais vous laisser, dit-il. Je souhaite que chacun de vous
travaille de son
côté pour faire une terre parfaite et heureuse.
Toi, Grondeur de tonnerre, tu te chargeras des nuages et de l’eau.
Toi, Garçon du Ciel, tu te chargeras de tous ceux qui vivent
dans le ciel.
Toi, Fille de la Terre, tu veilleras sur les récoltes et les
moissons.
Toi, Fille au Pollen, tu garderas tout le monde en bonne santé.
Et toi, Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère, tu jetteras un
coup d’œil
général sur tout ce qui se passe un peu partout. »
Le Créateur tendit ses mains devant lui. Et immédiatement
surgit une grande
pile de bois sur laquelle le Créateur fit un geste. Et soudain,
du bois surgit
un grand feu.
D’épais nuages noirs s’élevèrent aussitôt
vers le ciel, dans
lesquels le Créateur disparut. Les autres dieux le suivirent,
chacun dans son
petit nuage de fumée. Mais ils laissèrent sur terre les
vingt-huit garçons
costauds pour aider les hommes.
Quant à la Grande Ourse, elle est toujours à sa place
dans le ciel d’où
elle guide les voyageurs.
Sources : Site internet de l’université du Michigan, qui
contient une
bonne dizaine d’autres mythes de création apaches. Aucune
indication sur
l’origine et la rédaction… Il s’agit en tout cas d’un
conte très gentil et très touchant, qui ne rappelle
guère les violences et le
pessimisme de la plupart des autres mythes. Aurait-il été
rédigé pour les
enfants ? A noter cependant le concept de
Petite-Fille-Sans-Père-Ni-Mère : aux
côtés du Créateur, il y a souvent une
présence féminine, par exemple la Sophia
de la Bible.
(pour accéder aux comédies pour enfants de Michel Fustier: http://theatre.enfant.free.fr , aux comédies aiguës : http://comedes.aigues.free.fr , aux comédies pour l’entreprise : http://theatrentreprise.free.fr …))Michel Fustier, 4 rue de Chambfort, 69 100 Villeurbanne, 04 78 84 25 28.